40 ans après les premières lois de décentralisation, les juridictions financières ont choisi d’examiner cette année la performance de l’organisation territoriale de notre pays. La Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes ont dressé un état des lieux de la situation actuelle concernant différents domaines d’action publique partagée entre l’État et les collectivités territoriales dont la gestion quantitative de l’eau. Si la Cour déplore que l’efficacité de la politique de l’eau souffre de la complexité et du manque de lisibilité de son organisation, elle formule également des pistes d’amélioration tournées autour d’une structuration de la politique de l’eau autour du périmètre des sous-bassins versants.
Voir le rapport public annuel de la cour des compte 2023
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Le rapport reprend la complexité de l’organisation de les gestion de l’eau sur le territoire national, accentuant sur la difficile conciliation entre logique administratif et logique hydrographique pour la ressource en eau. Les manques de moyens de l’état sont également remis en cause. La création d’un bloc de compétences Gemapi, qui ne recouvre qu’une partie de la gestion de la ressource en eau, n’a pas renforcé l’intégration de l’action publique.
“Le partage de compétences est encore mal défini entre les collectivités locales (…). Quatre régions (dont la Bretagne), exercent tout ou partie des missions d’animation et de concertation dans le domaine de la gestion de l’eau et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques (…). Certains départements sont des acteurs historiques de la politique de l’eau mais les départements ne peuvent normalement plus intervenir que dans des cas limitativement prévus par le code général des collectivités territoriales ou le code de l’urbanisme”.
“Il y a une grande diversité de situations à l’intérieur de chaque bassin hydrographique et la gestion quantitative de l’eau pose des problèmes très différents d’un sous-bassin versant à l’autre (…). L’organisation territoriale de la gestion de la politique de l’eau au niveau du sous-bassin versant est cruciale. Elle suppose l’identification d’une structure porteuse dotée de moyens propres, d’un pouvoir de décision effectif et d’un périmètre d’action correspondant au sous-bassin versant”.
“La carte de France des Sage reste très incomplète (…). En 2022, seulement 54,3 % du territoire (national) était couvert par un Sage. Cette couverture est en augmentation de 25 % depuis 2010, mais reste faible au regard des enjeux liés à la ressource. La promotion des PTGE ne doit donc pas être un motif d’abandon de la démarche d’élaboration de Sage”.
“En pratique, peu de syndicats mixtes existants ont été transformés en Epage ou EPTB. Ce retard est dommageable et doit être comblé”.
“Les commissions locales de l’eau devraient systématiquement être associées aux décisions de mise en œuvre des Sage, ou à la rédaction des contrats territoriaux qui les mettent en œuvre (…). Par ailleurs, les CLE sont perçues comme des acteurs dont le travail se limite à la gestion structurelle de la ressource en eau (détermination, dans les schémas d’aménagement et de gestion des eaux, des volumes prélevables, des débits objectifs d’étiage, etc.). En pratique, la gestion de crise prend souvent le pas sur la gestion structurelle qui n’a pas permis d’éviter le recours à des mesures de restriction des prélèvements. C’est alors le préfet qui intervient, en s’entourant le plus souvent d’un comité ad hoc distinct de la commission locale de l’eau. C’est pourtant l’avis de celle-ci qui devrait être recueilli avant la décision administrative.
Enfin, l’avis des CLE sur les documents d’aménagement du territoire intéressant leur sous-bassin devrait être obligatoirement sollicité et rendu public, dans la mesure où ils ont un impact direct sur la qualité et la disponibilité de l’eau”.
En conclusion :
“Une décentralisation plus effective des responsabilités contribuerait à clarifier, pour les citoyens, la responsabilité des différents intervenants dans la gestion de cette politique publique essentielle. Il convient de dépasser les inconvénients résultant de la discordance entre la carte des bassins et sous-bassins hydrographiques et celle des services de l’État et des organismes locaux participant à la gestion de l’eau. C’est pourquoi, sans préjudice des recommandations qu’elle formulera dans un prochain rapport plus général relatif à la gestion quantitative de l’eau, la Cour adresse au ministère de l’intérieur et des outre-mer et au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires les recommandations suivantes :
1. promouvoir l’élaboration de schémas d’aménagement et de gestion des eaux dans chaque sous-bassin versant (2024) ;
2. promouvoir, dans l’ensemble des territoires, la constitution d’établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau et d’établissements publics territoriaux de bassin favorisant une gestion intégrée de l’eau à l’échelle d’un sous-bassin versant ou d’un groupe cohérent de sous-bassins versants ;
3. adosser les commissions locales de l’eau aux établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau ou établissements publics territoriaux de bassin et renforcer leur rôle, tout en garantissant leurs moyens d’agir et leur indépendance”.